jeudi 20 mars 2014

Rencontre avec Isabelle Berhault, Educatrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

Cette rencontre a eu lieu mercredi dernier  à la Bibliothèque Italie. En petit comité, elle nous a donné l’occasion d’une discussion sincère et juste sur ce métier peu connu (La Protection Judiciaire de la Jeunesse, qui dépend du Ministère de la Justice, est la plus petite administration de France !) entre nos mordus et Mme Berhault, maman qui fréquente la bibliothèque avec ses enfants, et qui a répondu avec grand plaisir à notre invitation à venir parler de son métier.

Le métier d’éducateur/éducatrice (en grande majorité féminin !) consiste à apporter de l’aide aux jeunes ayant commis des délits ou des crimes, ou à des jeunes en situation de danger. 

Après qu’il ait été mis en examen, c’est le juge qui décide d’envoyer le jeune chez un éducateur. Celui-ci est alors là pour apporter une aide avant tout psychologique au jeune et aux éventuels membres de sa famille, mais aussi des explications sur la situation présente et future.
Le juge envoie une ordonnance pour adresser le jeune au service de la PJJ, mais les membres l’équipe discutent entre eux des cas qu’ils souhaitent prendre, en fonction de leur expérience, de leur sensibilité mais aussi des faits reprochés.

Mme Berhault nous explique que son rôle est alors d’essayer de comprendre pourquoi le jeune est là,  ce qui peut  l’avoir poussé à commettre un délit, mais également lui rappeler la loi et lui expliquer comment va se passer la procédure judiciaire, ainsi que ses éventuelles conséquences : travaux d’intérêts généraux (occasion de discuter avec le jeune de ce qu’il aimerait faire pour trouver un travail qui l’intéresse et qui aura une chance de le réintégrer dans la société), peine de prison…
Elle restera présente tout au long de la procédure (et jusqu’à leur 21 ans maximum), et cela peut durer plusieurs années car le délai entre la mise en examen et le procès peut être très long. Le jeune sera convoqué à intervalles réguliers mais peut aussi à tout moment appeler son éducateur pour parler, se confier, poser des questions.  Lors du procès, l’éducateur sera amener à témoigner pour attester ou non d’un progrès, et du risque éventuel de récidive. Son avis est donc très important aux yeux du juge et peut beaucoup influencer sa décision !

Sa mission est également de visiter les jeunes incarcérés. Elle se rend donc régulièrement en prison. Elle peut rencontrer les jeunes au parloir (comme le font les avocats) ou en cellule, ce qu’elle préfère toujours faire : cela lui donne l’occasion de vérifier que les conditions de détention sont bonnes. Si dans l’ensemble cela se passe bien, et que les gardiens de prison sont tous volontaires pour travailler avec des mineurs, il lui est déjà arrivé de devoir intervenir pour faire changer un jeune de cellule car les conditions d’hygiène y étaient très mauvaises (cafards en pagaille). Son rôle est donc là encore primordial ! Elle va également parler de l’avenir du jeune une fois sorti de prison…

Mme Berhault s’occupe de 25 jeunes en même temps (maximum pour un éducateur). En ce moment elle a 3 filles pour 22 garçons, ce qui reflète bien la réalité… Ce sont des jeunes de 13 à 16 ans, ayant majoritairement commis des délits (pour  la plupart consommation de stupéfiants).

PARCOURS :
Isabelle Berhault a fait des études de psychologie avant de passer le concours d’éducatrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Elle venait de Bretagne et a souhaité travailler à Paris pour voir des problématiques variées… C’est une rencontre avec quelqu’un qui faisait ce métier qui lui a donné envie de l’exercer à son tour. Cela fait 12 ans maintenant… Elle a choisi de travailler dans les bureaux de la PJJ, mais un éducateur peut aussi travailler en milieu fermé, c’est-à-dire en foyer, où l’on vit alors 24h/24h avec les jeunes. Pour elle, ce choix lui permet de conserver une vie de famille… Quand une « Mordue » lui demande si ses enfants (qui sont encore petits) ne sont pas jaloux des jeunes dont elle s’occupe, elle trouve la question très bonne ! Si elle peut éprouver beaucoup d’affection pour les jeunes dont elle s’occupe, cela n’est pas comparable à l’amour que l’on porte à ses enfants… Enfin, quand on lui pose la question du taux de réussite elle nous répond sincèrement que celui-ci est très faible… mais pour un seul jeune qui s’en sort, cela vaut le coup.

POUR DEVENIR EDUCATEUR PJJ :
Il existe une seule école en France : l’Ecole Nationale Supérieure de laProtection Judiciaire de la Jeunesse, à Roubaix, accessible sur concours avec un BAC +2. Les élèves sont rémunérés pendant leurs 2 ans d’études qui comportent des cours de psychologie, droit, pédagogie… et des stages en milieu éducatif fermé, et dans les bureaux. 

EN BREF:
-Les peines de prison pour les mineurs sont divisées par 2 par rapport aux adultes : l’éducation prime toujours sur la punition.
-Les mineurs doivent toujours être représentés par un avocat, c’est obligatoire (payé ou commis d’office) et leur procès toujours fermé au public (publicité restreinte).
-Une « Mordue » interroge Mme Berhault sur les avocats commis d’office : est-ce un cliché de dire qu’ils sont moins bons que les autres ? Oui, c’est un cliché : les avocats considèrent que chacun a droit à une défense, quels que soient ses moyens. Des avocats réputés et très bien payés assurent toujours le rôle de commis d’office quand ils le peuvent. C’est une question d’éthique. 
-Paris est la seule ville de France où il existe un Barreau des Mineurs.

Merci beaucoup à Mme Berhault de nous avoir transmis son attachement à ce métier difficile mais très important !
Bibliothèque Italie

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